Urgence sanitaire sans vote au Parlement : «ce projet liberticide que le gouvernement a bien fait d’abandonner»

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Urgence sanitaire sans vote au Parlement : «ce projet liberticide que le gouvernement a bien fait d’abandonner»

En novembre 2020, le gouvernement planchait sur une loi afin de créer un dispositif pérenne sans limite temporelle de gestion des crises sanitaires et épidémiques. Ce dispositif devait prendre le relais de l’état d’urgence sanitaire et donner au gouvernement tout le loisir de restreindre les libertés publiques (confinement, couvre-feu, limitation de déplacement, fermetures administratives des commerces, des lieux de la culture et des restaurants, etc.) sans vote du Parlement. Une nouvelle inquiétante, alors que le gouvernement français est déjà l’exécutif des grands pays européens qui a le plus de pouvoirs pour décider seul de restrictions sanitaires. Heureusement, devant la levée de boucliers, le gouvernement vient de renoncer à ce projet liberticide.

Le régime d’état d’urgence sanitaire «en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population» a été créé courant mars 2020. Que ce soit pour l’état d’urgence sanitaire ou sécuritaire, l’état d’urgence est décidé par le premier ministre puis validé par le Parlement.

Désormais, le gouvernement veut prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021, avec un régime transitoire (soit «de sortie») du 1er avril au 31 décembre 2021. Notons que la France est sous le régime de l’état d’urgence sanitaire (ou en période transitoire) depuis le 24 mars 2020, soit bientôt 10 mois.

Il semble bel et bien que la France se dirige vers une nouvelle année passée sous ce régime qui se caractérise par une centralisation sans pareil des décisions de restriction de nos libertés publiques.

Il est bon d’avoir abandonné le projet de loi qui permettait au gouvernement de décider de restrictions sanitaires sans aucun vote du Parlement, mais il faudrait, pour bien faire, associer davantage Parlement et territoires pour les restrictions des libertés publiques, à l’instar de ce qui se fait chez nos partenaires européens.

En Allemagne, c’est le Bundestag qui, au printemps 2020, a accordé le droit à l’exécutif de légiférer par ordonnances durant la pandémie et ce, jusqu’en mars 2021. Malgré cela, les restrictions sanitaires sont prises en concertation avec les gouvernements de chaque Land.
En Italie, par exemple, le gouvernement et les présidents des régions codécident et signent les décrets qui définissent les restrictions sanitaires qui s’appliquent dans les régions et ce, après un vote favorable de la Chambre des députés.
Enfin, au Royaume-Uni, les décisions du premier ministre et de son gouvernement (comme par exemple, le confinement décidé pour janvier et février 2021) sont soumises à un vote des députés sous 28 jours et le Parlement devra approuver toutes modifications majeures à venir.

Ce principe de validation par le Parlement doit être intégré en France. Par exemple, les prolongations des restrictions sanitaires devraient être accordées et validées mensuellement par le Parlement. Enfin, il conviendrait d’associer les régions, départements et communes aux décisions sanitaires. Comme on a pu le constater, le gouvernement le fait un peu depuis ce mois de janvier 2021, avec la mise en place d’un couvre-feu à 18h dans plus d’une vingtaine de départements.

L’abandon du projet de loi donnant les pleins pouvoirs au gouvernement pour restreindre les libertés publiques en cas d’urgence sanitaire constitue un bon point mais il faudrait aller maintenant plus loin en associant vraiment le Parlement et les territoires aux décisions de restrictions sanitaires, comme le font nos voisins en Europe.

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