Noter une réforme peut s’effectuer de différentes façons et suppose le choix toujours arbitraire d’items qui serviront à situer une réforme sur une échelle de valeurs.

Le « World Bank Group» propose ainsi une méthode pour noter 190 économies dans « Doing Business ». Pour ce faire, 12 items ont été retenus. Notre ambition est de nous inspirer de cette initiative afin de noter les mesures prises par le gouvernement.

Il ne saurait être question ici de noter l’ensemble des réformes entreprises par le gouvernement. Seules celles susceptibles d’être évaluées économiquement ou quantitativement seront retenues. Toute réforme répond à une cohérence interne liée aux objectifs du gouvernement, soumise à un planning qui organise et anime concertation, rédaction, amendements, vote, décrets d’application, suivi et mesure d’impact. Par ailleurs la Fondation iFRAP, en tant que think-tank indépendant a depuis de nombreuses années cumulé des études qui fondent ses positions sur de nombreux thèmes. La base d’évaluation sera double. Premièrement l’objectif annoncé par le gouvernement et deuxièmement la position de la Fondation iFRAP sur la question (toutes nos propositions sont à consultables sur notre propre site internet).

Qu’est ce qui est évalué ?

I. Les baromètres des promesses électorales d’Emmanuel Macron

Dans chaque fiche réforme, un onglet « Promesse » rappelle les propositions électorales d’Emmanuel Macron sur le sujet. S’il ne s’est pas exprimé sur ce sujet, c’est la proposition d’En Marche qui est inscrite. Si le sujet n’a jamais été couvert, il est précisé qu’il n’y a pas eu de proposition sur le sujet.

Ces promesses sont ensuite déclinées en « Points clefs » qui apparaissent en bas de page. Au fur et à mesure que le projet de réforme se précise, chaque point clef est évolué par un baromètre : « peu respecté », « moyennement respecté » ou « largement respecté ». Une dernière évaluation par baromètre est effectuée dans la fiche « Texte final ».

  • Sur le Bilan du quinquennat, dans l’encart « Bilan des promesses présidentielles », on retrouve la moyenne de tous les baromètres finaux à l’instant t.

II. Les réformes : notées sur 10 et appréciées par la Fondation iFRAP

La méthodologie repose sur l’utilisation du modèle macro-économétrique multi-sectoriel NEMESIS pour l’analyse ex ante des mesures des politiques économiques, fiscales et budgétaires.

La méthode utilisée est la méthode habituelle de la modélisation économique :

  1. Un scénario de référence (à consulter ici) est établi qui décrit l’évolution de l’économie au fil de l’eau sans mise en œuvre des mesures de politique économique qui vont être analysées. Ce scénario de référence (ou baseline) est bien entendu contraint et dépendant de l’évolution des variables exogènes (prix du pétrole, taux d’intérêt, taux de change, évolution de la demande mondiale, etc
  2. Les mesures qui sont analysées sont introduites dans le modèle sur la base de chiffrage amont (coût budgétaire, bénéfices sectoriels, conséquences directes sur les comportements des agents, etc.) et le modèle est simulé afin de produire une trajectoire de l’économie après introduction de ces mesures (scénario variantiel).
  3. L’effet des mesures de politique économique est mesuré en appréciant l’écart entre la trajectoire de référence et la trajectoire variantielle intégrant les mesures de politique économique, pour un ensemble de variables macroéconomiques (PIN, autres agrégats, emploi, dépenses et recettes des administrations publiques, dette, chômage, …).

Le modèle NEMESIS est suffisamment détaillé (compte d’agents, description fine des différents prélèvements obligatoires et des différents types de dépenses des administrations publiques, niveau de description très désagrégé du système productif en trente secteurs, deux types de qualification pour le travail,…) pour être en mesure de décrire la plupart des mesures économiques (fiscales, budgétaires) envisagées par le président Macron dans son programme (notamment les plus emblématiques : basculement du CICE en allègements de cotisations, hausse de CSG vs baisse des cotisations salariales, transformation de l’ISF en IFI, mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU), etc.).

Le scénario de référence estétabli sur la base du scénario économique du PLF2018 et étendu jusqu’en 2022. Les exogènes servant de base à la construction de ce scénario de référence seront clairement exposées afin que des simulations de l’effet des évolutions des exogènes puissent être réalisés par la suite pour distinguer les évolutions de l’économie française ressortant de la mise en place des mesures du programme d’Emmanuel Macron et celles provenant d’une amélioration ou d’une détérioration de l’environnement économique global (Brexit, remontée des taux d’intérêt, augmentation du prix du pétrole, hausse de l’euro, etc.).

Nous déclinerons les composantes principales de ce qui peut être considéré comme l’ensemble des mesures fiscales et budgétaires du programme Macron :

  • les économies budgétaires programmées sur le quinquennat (possibilité d’objectiver) ;
  • la mesure de basculement du CICE en baisse de cotisations sociales employeurs en 2019 (après baisse de 7% à 6% du CICE en 2018) ;
  • La hausse de CSG compensée par une baisse des cotisations sociales salariales ;
  • La transformation de l’ISF en IFI dès 2018 (baisse de l’assiette) ;
  • La remise en place du prélèvement forfaitaire unique pour les revenus du capital en lieu et place de l’imposition au barème.

Les différentes mesures seront analysées séparément chaque fois que le Gouvernement aura donné suffisamment d’éléments et de précisions permettant d’intégrer la mesure dans le modèle (donc pas forcément toutes au même moment si le Gouvernement étale la mise en place de son programme ou la communication de ces mesures). L’iFRAP participera pleinement, avec son expertise sur les éléments fiscaux et budgétaires, à l’analyse amont des mesures (afin de les prendre en compte de la meilleure des manières dans le modèle). Les différentes composantes de la politique économique fiscale et budgétaire seront analysées séparément, puis une simulation d’ensemble permettra d’apprécier la résultante de la mise en œuvre progressive des différentes mesures.

Les résultats présentés permettront d’apprécier les effets des mesures sur le PIB et ses différents agrégats (consommation, investissement, exportations, importations), sur l’emploi, le taux de chômage, les dépenses et les recettes publiques (avec une déclinaison assez fine). Des résultats sectoriels (emploi, VA, exportations,…) pourront également être produits si une mesure s’avère avoir des effets sectoriels très marqués. Les résultats seront présentés principalement sur la période 2017-2022.

Le modèle NEMESIS

Le modèle NEMESIS a été élaboré par un consortium européen financé principalement par la Direction Générale Recherche de la Commission européenne. La construction du modèle a été coordonnée par l’équipe ÉRASME. Les principaux autres membres du consortium étaient le Bureau Fédéral du Plan belge et l’Université Technique d’Athènes.

Le modèle NEMESIS est un système de modèles économétriques sectoriels détaillés (trente secteurs d’activité) élaboré pour chacun des vingt-sept pays de l’Union européenne (sauf Chypre) plus la Norvège, les autres zones du monde étant plus sommairement modélisées, à l’exception de certains grands pays (États-Unis, Japon) qui jouent un rôle majeur dans l’élaboration et le transfert des connaissances scientifiques.

Pour chaque pays, le modèle comporte un modèle du cœur économique qui peut dialoguer à la demande avec trois modules périphériques (module énergie-environnement, module agriculture et occupation des sols, module régional).

NEMESIS est un modèle macro-sectoriel dont la trajectoire de croissance n’est pas seulement le résultat de la dynamique macroéconomique ensuite désagrégée en secteurs selon des règles de répartition qui ne dépendraient que des inflexions macroéconomiques. La croissance propre à chacun des secteurs influence celle des autres activités ainsi que celle des économies étrangères. Les trajectoires sectorielles ont des impacts sur toutes les activités par le biais de la demande de consommations intermédiaires et d’investissement qui leur est adressée et par les externalités de connaissance dont elles bénéficient. Il en résulte une dynamique intersectorielle reflétant les interactions fortes entre d’une part des secteurs à gros potentiel de développement, tels que l’aéronautique ou les secteurs des technologies de l’information, et d’autre part des secteurs à croissance plus lente ou à faible progrès de productivité (certains secteurs de services aux particuliers par exemple). Les interactions sont décrites par des matrices d’échanges intersectoriels de biens et services. Dans le modèle NEMESIS, elles sont étendues aux échanges de connaissances (utilisation des données de citations de brevets, etc.).

Cette force intersectorielle (ascendante) est combinée à une force purement macroéconomique (descendante) pour imprimer une dynamique macro-sectorielle que l’on peut qualifier d’« hybride » au sens où elle est la résultante de dynamiques bottom up et top down : la productivité de l’économie provient ainsi de l’agrégation des dynamiques hétérogènes propres à chaque activité mais aussi des inflexions exogènes de la croissance (prix, demande mondiale) qui influent de manière contrastée sur les secteurs en fonction de leur sensibilité à certaines variables.

Le modèle s’écarte de la structure traditionnelle des modèles économétriques « néo-keynésiens» en ce sens que le bloc « offre » incorpore les propriétés tirées des nouvelles théories de la croissance : progrès technique endogène, performance économique dépendant de la R & D, prise en compte des externalités de connaissance. L’augmentation de la R & D produit des effets qualité et productivité qui augmentent la demande finale interne et externe et « dopent » à long terme les résultats en termes de croissance et d’emploi.

Méthodologie pour la notation des mesures

Nous apprécions les conséquences de chaque mesure (et donc la « notons » selon les critères retenus) sur la base des analyses ex ante menées avec le modèle macro-économétrique sectoriel NEMESIS. Nous intégrons dans cette notation l’appréciation d’effets plus qualitatifs sur le timing de la mesure et son degré de coordination et de pertinence par rapport aux autres mesures adoptées par le Gouvernement.

Pour les mesures fiscales et budgétaires dont les contours ont été dévoilés à l’occasion du PLF2018, nous retenons les critères principaux suivants pour établir une note de la manière la plus objective possible.

  • l’effet de la mesure sur la croissance et l’emploi (supplément de PIB et d’emplois par rapport au scénario de référence)
  • l’effet de la mesure sur les finances publiques (contribution au retour vers l’équilibre des finances publiques, réduction du déficit, diminution du poids de la dette publique)
  • l’effet de la mesure sur l’investissement et l’innovation (dont les contributions immédiates sur l’économie ne sont pas totalement révélées mais qui contribueront à l’amélioration de la productivité, de la compétitivité et de la profitabilité des entreprises à plus long terme).
  • L’effet de la mesure sur la compétitivité (contribution à l’amélioration du solde extérieur, stimulation des exportations, capacité à mieux résister à la concurrence extérieure), gage de pérennité des effets à moyen long terme.
  • Le positionnement temporel de la mesure dans le quinquennat et son degré de coordination avec le reste des mesures économiques adoptées, pertinence dans la stratégie d’ensemble (les effets bénéfiques de la mesure auraient-ils pu être plus important si elle avait été mise en œuvre de manière différente ?).

Nous attribuons 2 points pour chacun de ces critères afin d’obtenir une note sur 10.

Effet sur la croissance et l’emploi

/2

Effet de la mesure sur les finances publiques

/2

Effet sur l’investissement et l’innovation

/2

Effet sur la compétitivité

/2

Timing/coordination/pertinence

/2

Note globale pour la mesure « Suppression de l’ISF et création de l’IFI »

/10