Loi ESSOC : Bonne foi présumée, droit à l’erreur et leurs déclinaisons
Mise en place
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Transparence

Loi ESSOC : Bonne foi présumée, droit à l’erreur et leurs déclinaisons

Procédure suivie

Parcours législatif avec procédure d'urgence

Promesse

Projet

Texte final

Rappel de la promesse de campagne d’Emmanuel Macron :

  • Mise en place d’un « droit à l’erreur, qui permettra aux particuliers ou aux entreprises de régulariser leur situation sans sanction, en cas d’infraction constatée lors d’un premier contrôle fiscal ou administratif ».
Les Points Clés
de la promesse

Mise en place du droit à l’erreur, un droit de rectification et un droit de contrôle

Respect de la promesse
dans le projet

Mise en place du droit à l’erreur, un droit de rectification et un droit de contrôle

Le projet de loi constitue la seconde mouture (bleu n°2) d’une version initiale jugée insuffisamment ambitieuse et qui portait la dénomination suivante  : projet de loi « relatif à la transformation des relations avec l’administration et le public ». La seconde version est désormais intitulée projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance.

Voir les sous fiches de la loi (et la fiche principale : Loi pour un Etat au service d’une société de confiance) :

Sur l’aspect « Bonne foi présumée, droit à l’erreur et leurs déclinaisons »

Il s’agit des mesures d’accompagnement des usagers par l’administration. Certaines dispositions excèdent cependant la répartition articulée dans le projet de loi au chapitre 1er du titre I et qui est déclinée dans les 8 premiers articles du projet de loi ESSOC. Ainsi nous y rattachons également les article 10, 14 et 18. A l’heure où le texte vient de terminer un examen en première lecture à l’Assemblée nationale le 25 janvier 2017, les modifications apportées au dispositif initial sont soulignées (en caractères maigres).

  • L’article 2 procède à la mise en place du droit à l’erreur et du droit au contrôle.
    • Le droit à l’erreur permet à l’administré présumé de bonne foi, de méconnaître une obligation envers l’administration à condition qu’il s’agisse de la première fois ou plus largement s’il s’agit d’une erreur matérielle sans encourir de sanction pécuniaire à condition de la régulariser proprio moto (de son propre mouvement) ou à l’invitation de l’administration. Il existe cependant des exceptions à ce principe si la mauvaise foi ou la fraude est démontée, ou si des sanctions sont requises dans le cadre du droit applicable à l’Union européenne, si celles-ci le sont pour méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes ou des biens ou l’environnement ; sanctions contractuelles ; sanctions prononcées par les autorités de régulation sectorielles ;
    • L’article 18 induit un droit de rectification dérivé (qui sera institué par ordonnance) concernant les informations inexactes ayant une incidence sur le montant des notifications d’indues pour les bénéficiaires des prestations et des minima sociaux ;
    • Le droit au contrôle permettant à toute personne de demander à faire l’objet d’un contrôle prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Ce contrôle intervient dans un délai raisonnable sauf pour cause de : mauvaise foi, de demande abusive ou ayant pour objet manifeste de compromettre le bon fonctionnement du service ou de paralyser son programme de contrôle. Le demandeur peut opposer les conclusions expresses du contrôle sauf en cas de changements postérieurs de droit ou de fait, de nouveau contrôle donnant lieu à de nouvelles conclusions expresses, de dispositions normatives préservant directement la santé, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement.
  • Introduction d’un article 2 bis visant à éviter que le défaut d’une pièce déposée dans un dossier paralyse son instruction dans la procédure d’attribution d’un droit. Seule limite, la décision ne peut être effective qu’à la réception de cette pièce, exception faite du cas où la pièce manquante « est indispensable pour instruire valablement le dossier.»

A compter de l’article 3 et jusqu’à l’article 6, ces dispositions aménagent les différents régimes spécifiques en matière de droit fiscal et douanier, afin d’assurer le plein effet du droit à l’erreur.

  • L’article 3 : vise une réduction du montant des intérêts de retard (hors pénalités) suivant que la régularisation est spontanée (-50%) ou sur proposition de l’administration (-30%) (article 4) hors infraction exclusive de bonne foi, et que la déclaration rectificative soit accompagnés du paiement des droits simples ou à la date limite portée sur l’avis. Toutefois le bénéfice de ces réductions est maintenu en cas d’acceptation par le comptable public d’un plan de règlement des droits simples ;
  • Article 3 bis A: vise à la légalisation de la doctrine administrative étendant le bénéfice de ce droit à l’erreur pour les déclarations des trois années précédentes lors de la première demande de régularisation de certaines rémunérations (commissions, courtages, ristournes commerciales, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications) dans la mesure où sont en cause des paiements en faveur de tiers n’ayant pas donné lieu à déclaration. Si le bénéficiaire produit une attestation montrant que ces sommes ont été incluses dans ses bénéfices déclarés, il peut régulariser en cours de contrôle fiscal ;
  • Article 3 bis: permet aux contribuables de bonne foi de pouvoir régulariser leur situation en contournant l’application de pénalités proportionnelles liées au défaut de production d’une déclaration dans les délais ;
  • L’article 4 : voir article 3 : extension des dispositions en cas de régularisation sur l’invitation de l’administration d’une remise de 30% sur les intérêts de retard et obtention d’un rescrit lors d’un contrôle fiscal (en cas de vérification de comptabilité) emportant prise de position sur un point examiné. Par symétrie, des droits à rescrit sont également institués par les articles 14 en matière douanière et par l’article 10 auprès de toute autre administration hors procédure de contrôle ou de contentieux ;
  • L’article 14 symétrise la procédure s’agissant du domaine du rescrit douanier, afin de l’aligner sur le niveau plus protecteur des rescrits fiscaux (délai de réponse de l’administration, possibilité de recours). Il inscrit également un « rescrit contrôle » afin de pouvoir opposer à l’administration sa propre doctrine en cas de modification de celle-ci « en cours de contrôle » ou d’une enquête et avant l’envoi de la proposition de taxation ;
  • L’article 10 prévoit l’introduction d’une procédure de rescrit (prise de position formelle sur l’application des règles de droit) avec obligation de réponse dans les six mois (en cas de dépassement l’application du silence valant acceptation n’est cependant pas applicable et a été retiré). Cette demande de rescrit peut se conjuguer avec l’article 11 (voir fiche consacrée), qui permet à l’usager de joindre un projet de prise de position formelle à l’appui de sa demande de rescrit ;
  • Article 4 bis permet d’ouvrir le recours hiérarchique contre toute proposition de rectification notifiée au contribuable, qu’elle intervienne à l’issue d’une procédure de contrôle sur place (ce qui est déjà le cas) ou d’une procédure de contrôle sur pièce (ce qui n’était pas encore le cas). Il étend également la possibilité de second examen devant une instance collégiale à toutes les prises de position formelles notifiées aux contribuables ;
  • Article 4 ter vise à concourir à la transparence des marchés fonciers et immobiliers en rendant librement accessible au public les données qu’elle détient sur les valeurs foncières déclarées à l’occasion des mutations intervenues au cours des 5 dernières années (service Patrim) ;
  • Article 4 quater dispose que le bénéfice de la réduction de l’intérêt de retard de 50% et de 30% s’applique également aux droits et taxes prévues par le code des douanes. Il s’agit d’une mesure de coordination avec les dispositifs déclinés aux articles 3 et 4 en matière fiscale ;
  • L’article 5 propose d’introduire le droit à l’erreur en matière de contribution indirecte relevant de l’administration des douanes la même faculté de réduction des intérêts de retard en cas de régularisation à l’instigation de l’administration (rabais de 30%), qu’en matière d’imposition directe relevant de la DGFiP (article 4). La régularisation peut intervenir jusqu’à la proposition de taxation. Ensuite elle est possible, mais il ne dispose plus que de 30 jours pour effectuer sa demande, accompagnée du paiement des taxes en cause ;
  • L’article 6 vise à une introduction précise du droit à l’erreur en matière douanière au sein du code des douanes. Il sera explicité après discussion en première lecture par l’article 4 quater (voir supra) en matière de réduction pour bonne foi des intérêts de retards et de leurs modalités de régularisation ;
  • L’article 6 habilite le gouvernement à prendre par ordonnance intervenant au cours d’une durée de 9 mois, les mesures qu’il estime nécessaires afin d’étendre à l’ensemble des entreprises l’expérimentation de la « Relation de confiance» expérimentée depuis 2013. Il s’agit d’une procédure de révision précontentieuse permettant d’alléger les contraintes des contrôles a posteriori pesant sur les entreprises ;
  • L’article 8 introduit la faculté pour le Directeur des DIRECCTE (volet inspection du travail), de prononcer une sanction non pécuniaire de rappel à la loi (avertissement) en lieu et place d’une amende. Il dispose par ailleurs de la faculté de moduler cette dernière en prenant en compte « les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi». Il est prévu par ailleurs qu’après le prononcé d’un avertissement une réitération du manquement à l’obligation visée dans un délai inférieur à un an emporte majoration du plafond de l’amende de 50% ;
  • L’article 8 bis doit permettre de renforcer les attributions de l’autorité centrale en charge de la direction et du contrôle de l’inspection du travail. Elle donne un fondement législatif et ouvre la possibilité d’un recours hiérarchique plus efficace et renforce l’emprise de la DGT sur ses services et l’harmonisation de leurs pratiques professionnelles et de leur interprétation des textes en vigueur.
Respect de la promesse
dans le texte mis en place

Mise en place du droit à l’erreur, un droit de rectification et un droit de contrôle

7/10
Appréciation de l'iFRAP
Comprendre l'appréciation de l'iFRAP

La reconnaissance d’un droit à l’erreur dans la loi est une vraie avancée en matière d’amélioration de la relation entre les usagers et l’administration. Cependant, l’exclusion des professionnels soumis à leur autorité sectorielle de contrôle nous semble toujours beaucoup trop restrictive car c’est précisément avec ces régulateurs que des sanctions lourdes peuvent être encourues. Il y a en outre une difficile cohérence avec les dispositions de la présente loi aux articles 12 et 12 bis envers les « jeunes professionnels » (certificat d’information sur les règles régissant certaines activités, et cristallisation pour les nouvelles activités débutées par le gel de la législation pendant 12 mois à compter de la délivrance du certificat). Pour ces deniers la Fondation iFRAP estime qu’un droit à l’erreur renforcé (y compris autorités de régulation sectorielles) aurait dû être envisagée par le législateur. L’inclusion de la simple erreur matérielle dans le droit à l’erreur hors « première fois » constitue en revanche une très bonne mesure de bon sens.

Le droit à l’erreur est décliné convenablement dans plusieurs versants de la FP, avec une attention particulière (article 18) aux informations communiquées aux services sociaux en matière de prestations sociales (requête du Médiateur des droits dans son dernier rapport annuel), ainsi qu’avec une convergence bien venue entre droit fiscal et douanier en matière de pénalité (article 3 à 5), ainsi qu’en matière de rescrit (article 4, 10 et 14). Cependant, comme l’a relevé le Conseil d’Etat dans son avis joint au projet de loi, l’exclusion du droit à l’erreur en matière de ressources propres de l’UE est un choix discrétionnaire du Gouvernement. En effet le produit des sanctions n’appartient pas au domaine des ressources propres de l’Union et fait retour au budget général de l’état-membre. Une limitation des pénalités en la matière aurait été possible. Cette opportunité n’a volontairement pas été saisie.

Enfin l’article 2 bis permet de limiter très concrètement la paralysie de l’instruction des dossiers administratifs dès lors que la pièce manquante n’est pas jugée « indispensable ». Le droit à l’erreur est donc également décliné sur un volet procédural, permettant ainsi de rattraper une instruction « en cours » et d’éviter les abandons de procédure.

Droit à l’erreur note : 7/10

S’agissant du droit au contrôle mis en place à l’article 2 et à l’opposabilité des conclusions qui en découle, la mesure est intéressante dans la mesure où elle permet de « purger » les situations juridiques en cours. Cependant les limitations apportées à ce droit sont conséquentes et en font un droit très relatif : compromettre le fonctionnement du service (effet de saturation) ou mettre ce dernier dans l’impossibilité matérielle de mener à bien son programme de contrôle. Pour la Fondation iFRAP le dispositif pêche par l’absence de toute possibilité de recours gracieux contre cette décision via une autorité médiatrice (hiérarchique ou indépendante) permettant de juger du caractère dilatoire ou non de l’exception avancée par l’administration et de procéder le cas échéant à sa levée.

Droit au contrôle note : 6/10

L’article 6 propose de pérenniser le dispositif testé depuis 2013 par la DGFiP, mais dont les résultats n’ont pas été publiés ni évalués et ne sont pas présentés dans l’étude d’impact jointe au projet de loi.

Pérennisation de la relation de confiance note : 5/10

Les articles 8 et 8 bis introduisent d’une part une sanction non pécuniaire sous forme d’un avertissement par les services de l’inspection du travail, tandis que l’article suivant d’autre part encourage une harmonisation des pratiques d’inspection. Avec ce dispositif l’administration joue légalement un véritable rôle de conseil aux entreprises.

Avertissement en matière de droit du travail note : 8/10