L’amendement anti-squatteur, une mesure à saluer qui mériterait encore quelques améliorations

Logement

L’amendement anti-squatteur, une mesure à saluer qui mériterait encore quelques améliorations

La propriété est un droit inviolable et sacré, nous dit la Déclaration des droits de l’homme. On pouvait en douter ces derniers temps avec des exemples de squats qui ont défrayé la chronique, comme à Théoule-sur-Mer ou à Saint Honoré-Les-Bains. Les squatteurs, compris comme « une ou plusieurs personnes s’étant introduites par effraction dans une habitation et y résidant », ont-ils plus de droits que les propriétaires eux-mêmes quant à l’occupation du bien en question ? À première vue la réponse est évidente puisque les uns sont des occupants munis de titres authentiques et pas les autres… À première vue seulement. Car l’état du droit jusqu’à présent était parvenu à renforcer le droit des «s quatteurs » et en particulier s’agissant des résidences secondaires ou occasionnelles des premiers.

Tout d’abord, l’expulsion forcée du squatteur par le propriétaire lui-même a été pénalisée bien davantage que le délit d’occupation illégale. 3 ans de prison et 30.000 euros d’amende dans le premier cas, contre 1 an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende dans le second. Ensuite, l’expulsion des squatteurs obéit aujourd’hui à un formalisme extrêmement tatillon. Pour faire simple : si le squat est constitué par la résidence principale (le domicile) des propriétaires, la loi dite « anti-squat » du 25 juin 2015 stipule que les propriétaires disposent d’un état de flagrance qui dépasse les 48 heures afin de permettre le recours à la force publique lorsque le délit de maintien dans les lieux est constaté par les forces de l’ordre. Cela se traduit généralement par un dépôt de plainte (sur base d’éléments de preuve constitués) qui doit permettre ensuite à la police/gendarmerie d’intervenir, et en cas de refus, de saisir directement le préfet afin que celui-ci édicte une mise en demeure à leur encontre et procède au bout de 24 heures, par la force, à l’expulsion légale.

En revanche la situation est beaucoup plus difficile lorsqu’il s’agit d’un autre bien détenu par le propriétaire (résidence secondaire ou autre). La condition d’effraction est toujours requise mais le propriétaire doit alors aller très vite pour constater le maintien illégal dans les lieux, et agir en moins de 48 heures. C’est la condition pour que l’expulsion ait lieu avec l’aide des forces de l’ordre sans avoir recours à une décision de justice ou administrative. Qu’une des conditions ne soit pas réunie et les choses se compliquent (action après 48 heures ou impossibilité de prouver l’effraction). La procédure alors devient judiciaire et va durer plusieurs mois. Il faut constater l’occupation et identifier les occupants via la saisine du tribunal d’instance et la désignation d’un huissier, procéder ensuite à l’assignation des squatteurs et attendre l’audience au tribunal ; enfin attendre 15 jours à 1 mois pour procéder à l’expulsion.

L’impératif des 48 heures détruit

C’est pourquoi le gouvernement a décidé d’agir en urgence via un amendement (n°695) devant l’Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi « d’accélération et de simplification de l’action publique » (ASAP). En particulier, il précise que le domicile correspond « aussi bien aux résidences principales que secondaires ou occasionnelles ». Cette évolution est à saluer. Elle aboutit à détruire l’impératif des 48 heures jusqu’à présent requis en cas d’occupation illégale des résidences secondaires ou occasionnelles, en les rabattant sur le régime de la résidence principale. Par ailleurs, elle accélère la procédure préfectorale en cas de refus des services de police d’intervenir à la suite du dépôt de plainte et d’en justifier les raisons. Et en cas de lancement par ses soins de la procédure d’évacuation forcée, d’y procéder sans délai. Le nouveau dispositif est bienvenu pour faire face à l’urgence.

Est-il suffisant ? C’est un début, mais il importerait aussi d’aligner les peines encourues par les squatteurs et celles concernant les propriétaires « justiciers ». Par ailleurs, un renversement de la preuve quant à l’effraction devrait échoir aux occupants et non aux propriétaires, afin de prouver l’occupation paisible et légale du lieu. Enfin, le dispositif ne comporte aucune accélération de la procédure judiciaire et ne crée pas d’injonction à retirer les « manuels de squat » qui pullulent sur internet. Autant d’éléments qui justifient une nouvelle loi anti-squatteurs dans les plus brefs délais.

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