Justice : les objectifs de dépenses non tenus du gouvernement

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Justice : les objectifs de dépenses non tenus du gouvernement

En mars dernier, le gouvernement s’est engagé, via une loi de programmation de réforme de la Justice 2018-2022, à investir certaines sommes dans notre système judiciaire. Le problème est que, tous les ans, il dépense moins que prévu initialement: 22 millions d’euros de moins en 2018 et 9 millions d’euros de moins en 2019. Et en 2020, ce sera pire.

Le budget 2020 en cours de discussion au Parlement prévoit le décrochage des crédits Justice de près de 200 millions d’euros par rapport à la programmation initiale. Le rapporteur spécial de l’Assemblée nationale précise: «la prévision pour 2020 est légèrement inférieure à celle de la loi de programmation. Les crédits de paiements hors CAS pensions devaient augmenter de 0,3 milliard d’euros pour atteindre 7,7 milliards d’euros. Ils augmenteraient finalement de 0,21 milliard d’euros à champ constant pour atteindre 7,5 milliards d’euros et de 0,29 milliard d’euros à champ courant pour atteindre 7,58 milliards d’euros.»

Les écarts passés non rattrapés
Le message est limpide: le gouvernement ne va pas tenir ses objectifs de dépenses dans la Justice et ce, dès la seconde année de sa programmation. Pire, il choisit de ne pas rattraper les écarts passés. Il en résulte que pour 2020 et malgré la programmation ambitieuse retenue en mars 2019, l’augmentation des effectifs (en agents à temps pleins – ETP) de la mission Justice sera sensiblement en dessous de la trajectoire proposée. L’écart est très précisément de -100 ETP pour la seconde année puisque l’exécution 2018 avait également mis en évidence une sous-exécution du schéma d’emploi de 100 ETP. Mais cette fois ce sous-calibrage intervient dès la programmation.

Concrètement cela se traduit par le fait qu’en 2018, l’administration pénitentiaire a embauché 353 agents de moins que prévu. Et du côté de la programmation pénitentiaire et l’encellulement individuel? La loi de programmation de mars 2019 envisageait la création de 7000 places de prison nouvelles et l’entretien du parc existant jusqu’à 2022, avant l’installation de 8000 places supplémentaires pour 2027. Rappelons pour mémoire que la succession des programmes de construction – «25.000 places» en 1987, «4000» places en 1995, «13.200 places» en 2002, «dispositif d’accroissement des capacités» en 2004, «nouveau programme immobilier» en 2011, programmes de construction de 63.500 places en 2012 et de 3200 places en 2014 – n’a conduit qu’à une augmentation des capacités du parc de 28.000 places nettes. Les autres n’ont pas vu le jour et on risque bien de rejouer le match de la même manière, les programmes se cannibalisant les uns les autres.

La politique pénale comme variable d’ajustement
L’objectif affiché du gouvernement est pourtant de parvenir à un parc carcéral de 66.765 places en 2022: soit +7000 places par rapport à 2018, et le budget 2020 fait état d’un objectif de suroccupation des maisons d’arrêts et quartiers d’arrêts qui passerait de 138% en 2019 à 135%, ce qui reste bien timide. En réalité, tout repose sur un«flux» d’incarcération moins rapide que celui de la création de places nouvelles (comme c’était déjà le cas lors du précédent quinquennat). Un pari dont la seule variable d’ajustement est la politique pénale et les procédures de dépénalisation et d’alternatives à l’incarcération en milieu ouvert (bracelet électronique, etc.).

C’est donc dire que l’administration escompte plutôt procéder à des réajustements et requalifications de places déjà existantes, ou que les livraisons envisagées et non communiquées ne seront pas suffisantes pour absorber par secteur l’ensemble des flux encore en 2020. Si on s’en tient aux trois premiers budgets de ce gouvernement, la loi de programmation ne sera pas respectée et la lutte contre la surpopulation carcérale restera un vain mot.

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